On sait que dans le rap us, les hommages de ce type ne sont pas rare (la rubrique Swagger Jacker dans le magazine XXL est là pour le prouver) mais en France c’ est souvent considéré comme de la copie. Thad La coke a réuni 2 précurseurs dans ce domaine à savoir Feal Dean (artiste solo, et membre du groupe Bluz Brothas) et Dutch boogie (Les Blanchisseurs), pour enqueter sur leurs motivations et leur position sur ce sujet. Place à l’ interview.
Qu’ est-ce qui vous a poussé à utiliser des phrases d’ autres artistes?
Feal Dean: En France, on cherche toujours des comparaisons, genre il a les lyrics d’ untel ou il a le flow d’ untel,
moi je kiffe juste placer mes réferences… C’ est efficace, ca rentre dans mon univers, ça montre ce que j’ écoutais, ça fait plaiz aux anciens, et ça sonne a l oreille des p’tits cons qui ne connaissent pas le morceau auquel je me réfere… Bref c’ est efficace, c’ est de l autobranlette cérébrale…
Dutch Boogie: Perso, je n’ écoute quasiment que du rap US, niveau rap français, j’ écoute plutôt 1 ou 2 morceaux par ci par là pour voir qui fait quoi, mais j ai plein de classiques dans ma mémoire… J ai vu que ça se faisait beaucoup Outre-Atlantique et j ai kiffé le délire, je cherchais d’ ou venait telle ou telle phrase, etc… Et quand on a commencé à enregistrer le maxi St Valentin j’ ai décidé de commencer, et de pas me préoccuper des critiques… J’ en ai placé quasiment 1 par 16 sur ce projet…
Qu’ est-ce qui fait que ces phases on était sélectionnées plutôt que d’ autres?
FD: Ben déjà il faut que ca soit un artiste que je respecte, pas un tocard… Après il faut que le lyrics soit violent: Une bonne grosse punchline d ‘enfoiré…
DB: C est des phases des grosses pointures qui m’ ont donne l’ envie d’ écrire genre Booba, Ill, Oxmo, Lino, Dany Dan pour ne citer qu’ eux… Mais je peux reprendre des phases d’ artistes que je kiffe moins, si ça peut apporter un truc au morceau… Mais il faut que ça soit super connu dans ce cas.
Artistiquement parlant, qu’ est-ce que cela apporte à vos couplets?
DB: Ça fait que ça parle direct aux élus! Aux gens comme nous… Les Neo!! (rires) Moi quand j ai vu que Dean le faisait aussi j ai dit « Bien! Ce gars est dans le même délire que moi ». tu te sent moins seul, et tu parle a un public qui te ressemble, des connaisseurs.
FD: Ca donne au 16 une grosse accroche, soit ca permet de rentrer dans le couplet par une grosse phase, soit ça relance un milieu de couplet… Ca montre bien mon délire et qui m’ a marqué dans le Hip Hop.
Qu’ avez vous à dire aux détracteurs de cette nouvelle technique d’ écriture?
DB: Si des gars crachent la-dessus, c est juste un manque de culture… Biggie a repris Richard Pryor, Jay-z a repris Slick Rick Biggie Tupac, et en ce moment si tu regarde Sean price, sa nouvelle carrière n’ est pratiquement basée que sur ça, j’ ai même calé un phrase de film il n’ y a pas longtemps dans L album d’ Heltah Skeltah, j’ ai mis 2 mois pour retrouver d’ ou elle venait!!! Je ne pense pas qu’ on puisse traiter ces artistes de pompeurs… Et Dean et moi, on n’ est que le reflet de cette mouvance…
FD: Les détracteurs, je leur récite du Gabin…
Est-il difficile de se détacher de l’ original, et y a-t-il une peur de faire moins bien?
FD: C est pas le concept. Le but c’ est pas pour moi de reproduire, c est un clin d’ oeuil a des artistes qui m’ ont niqué la tête…
DB: Ben il y a quand même une certaine pression, si la rime n’ est pas meilleure, il faut apporter quelque chose au truc. Si tu kick un classique, les gens anticipent la fin, mais ne savent pas à quoi s’ attendre, il y a une sorte de suspense… c’ est là qu’ il faut frapper fort…
Quelles sont les limites à ne pas dépasser, pour que cela ne devienne pas ridicule?
FD: La limite c’ est quand tu sors une phase d’ un autre mec et que tu fais style: « Quoi? Ah, non J’ avais jamais écouté ce son! Je savais pas qu’ il l’ avait utilisé »!!!… Bref, faut juste piger que c’ est un p’ti’ hommage, pas du plagiat…
DB: Ou faut pas dépasser un certain pourcentage… Si dans un 16 rimes tu place 4 rimes d’ un autre MC, là ça commence à être ridicule…
Avez vous déjà une petite idée de ce que sera la prochaine?
FD: La prochaine c’ est du Ronsard!!! Eh ouais ma gueule!!! « Mignonne, allons voir sous ta robe si ta muqueuse est rose… »
DB: En fait il y en a une que j’ essaie de placer depuis un bail, j’ attends juste le bon couplet, c’est la phase de Dany Dan « Rien à battre je pourrais shooter le président »… Je vais quasiment rien changer dessus, ça sera la fin d’ un couplet à venir, j’ attends trouver lequel…
Si vous ne deviez en retenir qu’ une sur celles déjà écrites, laquelle choisiriez-vous?
DB: Je pense qu’ à ce jour, c’ est ma phase tirée de retour aux pyramides « grillé comme la gaule dans un survet’ Lotto » sur « 40 Bars », j’ ai bien enchainé derrière… et j’ ai mis le sample de violon en plus derrière cette phase pour en remettre une couche…
FD: L’une de mes préfèrées c est celle du son « Bonobo »… ou je taille Zaho et Manau!!!!
Mais j’ en ai pleins d’ autres qui arrivent, toujours issues du crane bousillé de mes maîtres à penser: Gainsbourg, Pierre Woodman et Prodigy!!!! A bon entendeur….
Nous espérons que cette interview vous aura permise de mieux comprendre les univers de ces deux artistes qui sont tous deux constamment à la recherche de nouvelles techniques dans l’ élaboration de leurs couplets, et nous les remercions de nous avoir éclairés sur ce point précis, qui n’ est qu’ une facette de leur talent, mais qui était assez rare pour que nous en fassions un article.